FORT MARDYCK concession royale "La vie des Epouses" "les Veuves'
La Fort-Mardyckoise se préoccupe peu de ses grossesses. Enceinte, elle va et vient, apporte à Dunkerque, lourdement chargée, les produits de sa pêche ou de son jardin, et s’en retourne gaie et rieuse, fournissant ainsi, et dans des conditions aussi pénibles, une marche de plus de dix kilomètres.
Et cela, non seulement en été, mais au printemps et en automne, jusqu’à la
dernière période de sa grossesse ; tant et si bien, que c’est quelquefois
à la mer qu’elle est surprise par les douleurs de l’enfantement.
Et pourtant, grâce à l’accoutumance
elle n’avorte pas.
Quand les hommes seront partis
avec les garçons devenus mousses, les femmes continueront de faire vivre la
nichée avec le produit de leurs pêches.
Elles tendront leurs filets
sur leur part d’estran à marée basse et iront vendre à Dunkerque le poisson ou bien
elles pêcheront la crevette ; ou bien elles iront cueillir la «
salade de mer », dont on fait à Lille une si grande consommation ; ou bien
encore elles iront sarcler pour le compte des cultivateurs et des maraîchers,
dans les champs des wateringues
Depuis le XVIIe siècle les
Fort-mardyckoises vont vendre à Dunkerque leur passe-pierre, elles n’ont jamais
eu d’autre cri que celui, purement flamand, de : « zee-sala , zee-sala »
(salade de mer).
L’épouse du pêcheur communément appelée : matelote pratique
la pêche à pied.
Celle-ci est à tour de rôle :
les veuves
Un trop grand nombre de navires disparaissaient chaque année sans que l'on sache rien
des circonstances ni de la date du désastre.
Peut-être des hommes s'étaient réfugiés dans des embarcations, sur des radeaux, sur des
épaves.
Combien de jours, combien de semaines ont duré leurs angoisses jusqu'à ce que le
dernier ait succombé? La mer a tout recouvert; elle ne dit pas son secret, et le mystère
est impénétrable.
En France seulement de nombreux navires disparaissent chaque année, ce qui représente
une perte,
d'environ deux cents hommes. Les femmes, les enfants, les mères ont conservé
longtemps,
à travers leurs anxiétés croissantes, un espoir tenace.
Il vient un jour où l'espoir n'est plus permis, et où l'on demande un service funèbre au
curé du village.
Les femmes des marins disparus ne sont pas des veuves, elles sont des femmes d'absents.
Tant qu'elles ne rapportent pas l'acte du décès, il leur est interdit de se remarier.
Or le décès du mari ne pourra jamais être constaté.
Ces femmes sont jeunes et robustes ; il y en a qui ont à peine vingt ans.
Elles sont pauvres; mêlées aux petites industries du littoral,
elles vivent au milieu d'une population rude et de mœurs indulgentes pour les
entraînements.
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